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24 juin 2008 2 24 /06 /juin /2008 22:04

Dimanche 22 juin,  il est 4 heures, la nuit fut courte mais j’ai pu trouver le sommeil. Je me prépare sans bruit dans la salle de bain pour ne pas réveiller ma petite famille qui dort dans la pièce à coté. Je suis à Nice depuis vendredi et la pression est montée peu à peu. Récupération des dossards et pose d’un bracelet « athlètes » sésame pour tous les accès pendant les 3 prochains jours ( le même que celui des bébés dans les maternités ), puis samedi dépose du vélo et des sacs pour la transition Vélos et Cap (Sacs que j’ai bien dû vérifier une bonne dizaine de fois !)

4h45 je quitte l’hôtel direction Promenade des Anglais à 1 km de là. Les rues de Nice sont pleines de triathlètes tous plus affutés les uns que les autres et de fêtards qui rentrent chez eux après une nuit de la musique plutôt bien arrosée au vu de leurs démarches hésitantes…Il fait déjà chaud cela promet .

Alors que je chemine lentement vers cette journée que j’attends depuis des années je repense à toutes ces heures d’entrainement et je me dis que je n’ai pas le droit d’échouer.

Depuis l’âge de 18 ans je rêve de participer à un IRONMAN après un reportage vu sur une télévision nationale,  cette fois le rêve va devenir réalité.

5h30 Parc à Vélos.  J’ai vérifié mon fidèle destrier, puis  après m’être enduit de vaseline, j’enfile ma combinaison de natation. J’ai un gros poids sur le ventre…je crois que j’ai peur !

Je retrouve GéGé mon copain le Prof de gym dessinateur, il a l’air aussi tendu que moi.

 Il a de grosses ambitions pour cette course et une pression supplémentaire car un copain lui a prêté un vélo sur lequel il est devenu meilleur grimpeur du Tour de France en 2002.  Il a peur de le décevoir. Laurent Jalabert puisque c’est de lui dont on parle, est aussi sur cette course ( il finira 12 eme) me serre la main après que Gégé m’ait présenté et surtout il va nous donner un précieux conseil pour la natation : « Yves Cordier ( l’organisateur de l’épreuve)  m’a dit de partir tout au bout à gauche , les courants me ramèneront vers la première bouée 1 km après le départ »  On se tape dans les mains on se souhaite bonne chance, maintenant c’est chacun pour soi.

Je suis concentré tout à gauche donc sur l’immense ligne de départ. J’ai connu une répétition générale super dure sur le Triathlon courte distance de Toulon où j’avais passé beaucoup plus de temps sous l’eau que sur l’eau et j’angoisse à l’idée que cela recommence…

C’est parti !

Je rentre tranquillement dans l’eau, je pense que de la plage cela doit être impressionnant. Je suis super concentré : « Bien souffler dans l’eau, bien respirer, nager calmement, je suis prêt à recevoir des coups pour ne pas être surpris ».  Incroyable cela se passe parfaitement, le conseil de Jalabert m’a positionné loin de la première bouée et la majorité des nageurs ont choisi le chemin le plus court. Je suis super content, je nage comme à l’entrainement , je repense aux cours de natation de IAN (ou plutôt de sa vidéo trouvée sur le net « Nager avec IAN THORPE » qui m’ont bien aidé à comprendre un peu les principes de ce sport  qui m’était inconnu jusque là. Quand je pense qu’il y a 6 mois je ne pouvais guère dépasser les 50 mètres consécutivement sans manquer d’air.

Je  commence à penser que la natation va bien se passer quand tout à coup je trouve que le nombre de nageurs proches de moi augmente de façon exponentielle seconde après seconde, un regard devant je comprends immédiatement la première bouée n’est plus très loin. Imaginez une autoroute a 100 voies qui se réduirait à une voie unique. Tout à coup ce n’est plus de la natation mais un combat à l’intérieur d’une machine à laver.  Contrairement à Toulon où je ne m’y attendais pas,  là je rentre dans la bataille comme les autres…3/4 minutes difficiles mais je m’en suis sorti, je me force à reprendre une respiration normale et à recommencer à nager calmement. Après 2400 mètres,  sortie à l’Australienne sur la Plage et donc nouvelle baston. Je survis encore et je me lance dans l’eau pour les derniers 1400 mètres. Au passage j’ai pu apercevoir mon temps et je sais que c’est bien parti. Cela me booste pour la dernière boucle qui se passera sans incident majeur. Mon moral est au beau fixe je sais que ma principale inquiétude de la journée est derrière moi. Je sors de l’eau en 1h19’ à la 1700eme position sur les 2500 partants, beaucoup mieux que prévu !

Courir en enlevant sa combi, récupérer mon sac, me changer, mettre mon casque, courir jusqu’au vélo….il me faudra 7 minutes pour réaliser l’enchainement sans me presser plus que cela.

Les 180 km de vélo vont pouvoir commencer. 20 km de plat pour se mettre en jambes.  Je connais le parcours pour l’avoir reconnu il y a 2 mois cela m’évitera toute mauvaise surprise. La natation ne m’a absolument pas fatigué, je peux donc rouler assez vite. Je double des grappes de concurrents déjà bien scotchés à la route. KM 20 première côte, un casse-pattes de 500 mètres à 12%. Je la passe tranquillement la route est encore longue. J’essaie de rester bien concentré : « Bien tourner les jambes, être attentif au revêtement pour éviter tout risque de crevaison, ne pas me mettre dans le rouge ».  Me voila au km 40, je vais attaquer le col de l’ECRE, prés de 20 km de montée à 6%. Il fait de plus en plus chaud, je continue de doubler des dizaines de coureurs en grande difficulté. Cela me donne des ailes. Km 80 le parcours redevient plat, je suis suffisamment frais pour accélérer, les km défilent. Km 110 dernière difficulté du jour un col de 7 km que j’avais trouvé dur lors de ma première visite en Avril.  Malgré la chaleur qui continue de grimper je vais le passer à bonne allure. Je me dis que le marathon va être dur.

 Un trou sur la route que j’évite de peu, je suis furax de mon inattention, si je ne reste pas concentré la chute peut arriver à tout moment !  Km 160,  la dernière descente est derrière moi je l’ai abordée avec grande prudence car la route est sinueuse et en mauvais état. Dans 20 km je serai à Nice. Je vais finir le vélo à 31 km de moyenne sur un parcours avec un dénivelé de 1800 mètres et l’interdiction de rouler en peloton.

Je détache mes pieds, je saute du vélo que je confie à un membre de l’Organisation,  je cours vers mon sac pendu au milieu des autres, je suis arrivé en 666eme position après avoir remonté plus de 1000 coureurs en vélo.

4’ pour me changer, m’enduire de crème et me voila parti casquette rivée sur la tête pour les 42km du Marathon.  La chaleur est écrasante, je vois des visages marqués autour de moi.  Pour ma part je vais bien, très bien même. Pourquoi ? Parce que je sais que désormais je sais que je vais accomplir mon rêve d’ado  «  Devenir un IRONMAN  »  Courir un Marathon ne me fait pas peur, mes 15 marathons durant les 5 dernières années et surtout mes 100 km m’ont appris à bien gérer ce genre d’épreuve. De toute façon dans le pire des cas je pourrai toujours marcher…

Les jambes sont bonnes ;  je me force à ralentir et à rester à une allure proche de celle que j’utilise sur les 100 km soit 12 km heure car cela  me permettrait de finir la course sous les 11 heures.

Autour de moi  c’est la retraite de Russie,  de nombreux triathlètes marchent le regard hagard. Les cyclistes continuent d’arriver et viennent se greffer petit à petit sur ce serpent sans queue ni tête qui s’est formé entre la Plage du Centenaire où sera jugé l’arrivée et l’Aéroport où s’effectue le demi-tour.

Il faut donc faire 4 tours pour couvrir la distance du Marathon.   A chaque passage nous recevons un chouchou, il en faudra 3 pour avoir le droit de passer la ligne d’arrivée, je n’imagine même pas le désarroi de ceux qui en auront perdu un !!

Bientôt le semi-marathon, je cours toujours à 12 km heure, j’ai enfin croisé mon pote GéGé qui a bien un demi-tour d’avance sur moi.  Je comprends qu’il n’est pas bien ( j’apprendrai plus tard qu’il s’est blessé dès les premiers mètres en vélo). Joël,  un copain niçois du boulot,  est sur le bord de la route je le vois et l’entends m’encourager cela me donne de l’énergie. Quelques mètres plus loin c’est Olivier un autre copain que j’aperçois, lui va courir prés de 5 km à ma hauteur, je discute un peu mais j’essaie de ne pas trop gaspiller d’énergie. Je m’imagine lui donner mon dossard pour qu’il finisse à ma place, cela irait plus vite,  lui qui peut courir un 10 km en 33’ !

Me voila de nouveau seul, je suis sur le retour de mon 3eme tour, je me force à boire plus que nécessaire à chaque ravitaillement, surtout éviter toute déshydratation. Dernier tour, bientôt je vois enfin ma petite femme qui doit galérer avec les enfants, elle me donne envie de finir plus vite pour la rejoindre.

Un IRONMAN c’est beaucoup d’investissement pour celui qui court mais aussi pour toute sa famille. Si je suis à 10 km d’accomplir mon rêve c’est en grande partie grâce à elle

La remontée vers l’Aéroport est dure.  Il doit être 16 heures, autour de moi les défaillances sont nombreuses mais le service médical est présent à chaque mètre du parcours et intervient dés que nécessaire.

Demi-tour, à 5 km du bonheur, je suis suffisamment frais pour accélérer un peu mais je décide de rentrer à la même allure et surtout d’ouvrir grand mes yeux et d’emmagasiner un maximum de souvenirs pour plus tard, je grave dans mon esprit chaque pas que je fais vers la délivrance.

Dernier Km….au loin je vois l’arche d’arrivée mythique des courses IRONMAN, celle que je vois depuis tant d’année sur Internet ou à la télévision

200 mètres, voila le tapis bleu, plus beau que le rouge de Cannes, je cherche ma femme je veux passer la ligne avec elle, je ne la vois pas (cela sera mon seul regret de la journée).

50 mètres le speaker bondissant qui anime la course hurle « MICHEL YOU ARE A IRONMAN !!!! » Je lève les bras je serre les poings je l’ai fait !!  10h48 au total avec un marathon couru en 3h32 et une 254eme place au final.

Je reçois ma précieuse médaille de Finisher, je suis un peu perdu, je cherche ma petite famille, ils doivent être bloqués dans la foule..

En face de moi des visages familiers Nathalie et Christophe sont venus de Marseille pour me voir terminer je suis super touché de les voir là. Je suis sûr que Christophe était avec moi il ya 26 ans quand j’ai décidé qu’un jour je finirai cette épreuve, c’est vraiment génial qu’il soit là aujourd’hui !

J’aimerais rester avec eux mais je dois retrouver Marie et ce n’est pas facile avec tout ce monde. Enfin la voilà…10’ plus tard toute la famille me quitte,  il faut qu’elle rentre sur Marseille les enfants ont école demain.

Moi je vais rester une nuit de plus sur Nice pour récupérer tranquillement et cela me permettra également d’assister de 21h30 à 22h30 à la dernière heure de course et à l’arrivée des derniers concurrents accueillis,  comme le veut la tradition,  par les premiers de la course comme de véritables héros. A 22h30 précise, après 16h de course le rideau de cette incroyable épreuve se refermera sur  un joli feu d’artifice.

Une journée que je n’oublierai jamais…une fois de plus je me rends compte que vouloir c’est bien pouvoir !

 

 

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commentaires

T
Salut Poussman Tout d'abord FELICITATIONS pour l'Ironman de Nice. j'ai lu un article sur toi dans le Mag Tri-Time cet été et, alors que je cherchais la vidéo dont tu parles dans l'article, "nager avec Ian Thorpe", je tombe sur ce blog trés sympa mais je n'ai pas encore trouvé la vidéo dont tu parles. Pourrais-tu me renseigner ? je me suis fixé moi aussi l'Ironman de Nice comme objectif mais pas avant 3 ans. J'ai déja fait quelques triathlon "promo" il y a quelques années et actuellement je fais modestement des marathons ( 4h00 à Paris). Encore bravo tu as la chance d'être un IRONMAN.
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F
Bravo à toi Poussman, ton récit donne envie de connaître ce genre de course une fois dans sa vie.<br /> Bonne récup et profite bien de tous ces souvenirs. Bonne route vers tes prochains objectifs. à+Fab***
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G
Salut Poussman... superbe exploit, t'es allé jusqu'au bout...bravo... ta famille doit être fier de toi..<br /> JM
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